Lettre du 01 février 1918
(67S41)
Lecture par Monsieur Paul PASCOT, comédien, ancien étudiant de l’ERAC.
Mots clés : vie quotidienne, rats, achat de denrées
Des tranchées, le 1er février 1918,
Bien chers parents,
Voilà notre repas terminé et nous sommes venus comme d’habitude reprendre la place d’honneur en 1ère ligne. Nous avons passé un assez bon repos. Nous n’avons pas travaillé, presque pas de revues, en un mot la tranquillité la plus absolue. A l’heure où je vous écris, vous devez dormir tranquille pendant que moi, je veille jusqu’à 10 heures. Il fit une nuit sombre à ne pas voir sa main au bout de son bras. Tout est tranquille, en ce moment. Le feu pétille à mes côtés et ce n’est pas le bois qui nous manque. Nous sommes 2 dans cet abri, un chic gourbi où il y a deux lits en grillage, un poêle, une table et comme voisins, des « gaspards », des pépères-mahausse, des vieux RAT qui n’ont plus de poils sur leurs dos. Mais avant de s’endormir, on a soin de suspendre nos musettes aux crochets, sans ça, bougies, pain, etc. il n’en resterait plus.
Je ne vois plus grand-chose à vous détailler. Ma santé toujours excellente. Nous attendons journellement les restrictions soit de pain ou autres choses.
Tout est hors de prix. Le beurre vaut 5 francs la livre. Les bougies valent 3 francs les 500 grammes, et ainsi de suite. Pour le tabac, je ne fume plus, avec la hausse qui vient de se produire, je le laisse à la coopérat[ive]. J’ai reçu ces jours-ci du papier à let[tre] (dont voici une feuille) des enveloppes et aussi, maintenant, je n’achèterai plus grand-chose. Si on veut avoir quelque chose, un « bleu » ne suffit plus, il faut que ces camarades prennent le même chemin.
C’est terrible et ça va devenir très dur, terminant ma missive, j’y ajoute toutes mes plus étroites embrassades pour toute la maisonnée.
Bien tendrement,
Hervé